La planification familiale, un levier du développement négligé au Burundi
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La planification familiale, un levier du développement négligé au Burundi

Par Dieudonné Ndanezerewe

 

Le Burundi aspire à devenir émergeant en 2040 et développer en 2060, offrant une qualité de vie élevée à tous ses citoyens.

Pourtant, un des leviers à prendre en compte dans la réalisation des objectifs de développement le plus négligé au Burundi est la planification familiale.

Cette négligence se traduit aussi bien dans l’opinion publique que dans les actions concrètes des décideurs.

Le Burundi, classé 187ème sur 193 pays classés en terme d’Indice de Développement Humain(IDH) en 2023 d’après la banque mondiale, 87% des burundais vivent dans la pauvreté avec moins de 1,9USD par jours, et la pression démographique accélérée annule les effets de la croissance économique.

Le même rapport indique que le Burundi affiche une fécondité élevée de plus de cinq enfants par femme en (2021-2022).

Cependant, bon nombre de famille se construisent sans réelle planification, au gré des humeurs et des désirs des conjoints. Parfois même, les naissances surprennent les familles où un tiers de ces naissances ne sont pas désirées ou planifiées, une des causes d’une vie moins élevée des différentes familles.

Construire donc la famille sans une réelle politique d’espacement des naissances et problématique. Et c’est cette problématique que la planification vient résoudre.

 Cette planification familiale dans le Burundi qui ne cesse de voir sa population croître recèle un potentiel inexploité considérable pour transformer la vie des femmes et de leurs familles, améliorer la santé et favoriser la croissance économique.

prenons un exemple de la raison pour laquelle investir dans la planification familiale peut faire une énorme différence dans la vie familiale des populations.

 La plupart des provinces du Burundi connaissent les taux de croissances démographiques les plus élevés. En effet, les burundais devraient doubler, passant de 12 à 25 millions d’ici 2050 selon la Banque mondiale. La province de Kayanza a été la cible de cette activité

Je me suis rendu à Kabarore, une localité située à quelques kilomètres du chef lieu de la province de Kayanza pour découvrir les conséquences du non planification des naissances.

Ndamanisha Pascal est l’un des chefs de famille que j’ai rencontré à Kabarore.

Debout à côte de sa case, il tente vainement de discipliner ses neufs enfants qui courent autour de lui. Ce cultivateur âgé de 59 ans vit avec une seule épouse cultivatrice et leurs neufs enfants.

 « J’ai seulement une seule femme. Elle m’a fait neufs  enfants. Pour nourrir toute cette famille ? Il ne faut pas moins de 30 milles par jour ! », A-t-il expliqué.

Trente mille par jour, Ndamanisha n’a pas cet argent. Les revenus de la famille sont insuffisants par rapport à ses besoins. Trois de ses neufs enfants ont déjà abandonné l’école. Les moins âgés sont à l’apprentissage.

Etant nombreux, et vu les faibles moyens de cette famille qui n’arrive pas à les nourrir convenablement, ces enfants sont visiblement exposés à des maladies nutritionnelles importantes, face auxquelles cette famille n’a aucun autre moyen pour faire face. La succession rapide des grossesses a mis fin à la vie professionnelle de sa femme Girukwayo Frida qui était auparavant commerçante. 

Par contre, nôtre constant à Kabarore est que dans les emplois formels, quelques couples qui ont eu l’avantage de pouvoir choisir le moment d’avoir des enfants, leur nombre et l’intervalle entre chaque enfant, ont eu de meilleures chances de réussir dans la vie.

La planification familiale a permis à ces femmes d’avoir des revenus plus élevés et de participer à des activités communes dans leurs communautés.

Plus, elles attendent pour avoir des enfants, plus elles peuvent intégrer longtemps le marché du travail, en amplifiant de ce fait la santé et la prospérité économique de sa famille et celle du pays.

Par contre, les femmes non instruites, et sans revenu avec lesquelles nous avons échangé discrètement quant à elles disent qu’elles sont confrontées à des barrières économiques et de méconnaissance.

Des milliers de ces femmes rurales à revenu faible ou intermédiaire n’ont pas accès à la contraception. Beaucoup d’entre elles pensent qu’elles n’ont aucun contrôle sur le fait de tomber enceinte ou non et sur le moment où elles le font.

Elles déplorent que les méthodes contraceptives ne soient utilisées en raison de leur coup élevé.

De plus, elles ont peur d’utiliser une méthode de planification familiale de peur qu’elles avaient entendu dire qu’elles pouvaient avoir des effets secondaires, notamment contracter un cancer.

De ce cas des couples de Kabarore ayant réussi à gagner leur vie, il est clair qu’en planifiant les naissances, et en optant pour des familles plus petites, les couples aspirent non seulement à des gains matériels, mais aussi à une augmentation de leur capital social.

L’argent qu’elles économisent en élevant moins d’enfants permet entre autre chose, d’accroître leur épargne et celui du pays. Malheureusement, deux défis menacent la planification des naissances à Kabarore.

Le mariage précoce

Kayanza est une province qui connait la croissance la plus rapide. C’est également l’un des provinces ayant plus de jeunes sans emplois, avec plus de 88% de la population âgée de moins de 30ans. Elle compte également un certains nombre d’enfants des rues et des personnes démunies.

Au Burundi, une fille sur quatre, âgée de 15 à 19 ans a donné naissance ou porte son première enfant selon le rapport de 2020 du Fonds des nations Unies pour la population (UNFP).

Ntakirutimana Olive, est une jeune fille de 14 ans de la même localité.  Alors qu’elle était en neuvième année, elle a rencontré Obed Nahigombeye. Elle est tombée amoureuse de lui et après quelques mois de relation, ils sont devenus sexuellement actifs. Le même mois, elle est tombée enceinte. Cela l’a amenée à abandonner l’école, pour épouser Obed et à emménager avec lui dans une maison à une seule pièce.

Ntakirutimana a donné naissance à son premier enfant et, un an plus tard, à son deuxième enfant. Il ne lui a pas fallu longtemps pour découvrir qu’elle était à nouveau enceinte de son troisième enfant.

Tout cela était très frustrant pour elle. Elle ne pouvait pas nourrir correctement ses deux enfants et elle a eu une autre grossesse.

 Quelques jours plus tard, un agent de santé communautaire l’a expliqué qu’il est possible d’avoir des rapports sexuels sans tomber enceinte et qu’elle pouvait espacer ses grossesses en utilisant une méthode de son choix.

Après avoir pris sa décision, elle était très enthousiaste à l’idée de pouvoir planifier sa grossesse selon ses propres conditions et de profiter des autres avantages que cela lui apporterait.

« Depuis que j’ai commencé à utiliser la planification de mon choix, j’ai retrouvé la santé », m’a-t-elle dit. « Je peux gérer ma petite entreprise sur le marché où je vends de la nourriture… Sans le fardeau de la grossesse ou des bébés, je peux consacrer beaucoup d’heures à mon entreprise. Tous mes enfants sont maintenant à l’école ».

 La réduction des grossesses chez les adolescents se traduira par une meilleure éducation et de meilleures opportunités économiques pour les jeunes. Il est donc impératif de répondre aux droits et aux besoins reproductifs des jeunes par l’éducation, la sensibilisation et l’accès aux services.

Les hommes, un blocage au planning familial 

Au Burundi, malgré certains succès enregistrés ces dernières années, notamment en milieu urbain selon le Ministère de la santé, la fréquentation des centres de sensibilisation des hommes sur la planification des naissances dans les zones rurales reste encore faible est mal perçue.

Un agent du centre de santé de Kabarore a révélé que les femmes de cette localité restent bloquer par leurs maris qui ne veulent pas s’impliquer pour la réussite du planning familial.

Lors de mon entretien avec un certain Managure Oscar, ses réponses m’ont prouvé que l’implication des hommes dans la santé reproductive et maternelle rencontre des difficultés.

 « Je ne conseillerais jamais à ma femme d’utiliser ces moyens contraceptifs, car ils sont dangereux. Elle peut devenir stérile à tout moment,  alors que le rôle de la femme est de donner naissance à des enfants », a fait remarquer ce père de 42 ans avec 6 enfants.

Nombreux hommes des endroits reculés du chef lieu de la province Kayanza réagissent comme Managure.  Ils estiment même que la première richesse de l’homme est d’avoir beaucoup d’enfants.

En ce qui concerne l’accès à la planification familiale, ces entretiens me permettent de dire qu’il faut que tous les citoyens burundais sachent quoi faire, comment le faire et pourquoi le faire.

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