
La CPI annonce une enquête sur les crimes contre l’humanité à l’Est de laRDC
Par Jean Claude Kantore
Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan a fait une visite officielle de 48 heures ce 25 février 2025 à Kinshasa la capitale de la République démocratique du Congo.
Cette visite marque une étape cruciale dans la lutte contre l’impunité des crimes commis dans l’est du pays.
Lors de sa rencontre avec le président de la Cour constitutionnelle et du Conseil supérieur de la magistrature, Dieudonné Kamuleta, Khan a reçu l’assurance du soutien de la justice congolaise aux enquêtes de la CPI en cours sur les exactions perpétrées dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Ces régions sont le théâtre de violences intenses depuis plusieurs décennies, impliquant divers groupes armés et forces étrangères.
Le procureur général a ensuite invité toute personne qui détient des preuves de crimes de génocide, de guerre ou contre l’humanité à les transmettre via le site web de la CPI.
Cette initiative vise à renforcer la collecte des preuves pour soutenir les poursuites judiciaires contre les auteurs de ces crimes selon la Radio Okapi.
La CPI a une longue histoire d’intervention en RDC, particulièrement sur des violences à l’est du pays. Les enquêtes ont principalement porté sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu depuis le 1er juillet 2002. Ces régions ont été le théâtre de conflits armés impliquant des groupes rebelles, des milices locales et des forces gouvernementales.
Parmi les affaires notables, on rappelle celle de Bosco Ntaganda, surnommé le Terminator, l’ancien chef militaire de l’Union des Patriotes Congolais (UPC) et des Forces Patriotiques pour la Libération du Congo (FPLC). Ntaganda a été accusé de 13 chefs de crimes de guerre et de 5 chefs de crimes contre l’humanité, incluant meurtres, viols et esclavage sexuel. En 2019, la CPI l’a reconnu coupable et l’a condamné à 30 ans de prison.
D’autres figures comme Thomas Lubanga et Germain Katanga ont également été jugées par la CPI pour des crimes commis en Ituri. Lubanga a été condamné en 2012 à 14 ans de prison pour l’enrôlement d’enfants soldats, tandis que Katanga a écopé de 12 ans de prison pour des attaques contre des civils.
Impact des enquêtes de la CPI dans la région des Grands Lacs
Les interventions de la CPI dans la région des Grands Lacs ont eu des effets significatifs, bien que mitigés. D’une part, les poursuites judiciaires ont permis de traduire en justice certains responsables de crimes graves. La condamnation de Bosco Ntaganda en est un exemple emblématique, démontrant la détermination de la communauté internationale à tenir les auteurs de crimes responsables de leurs actes.
Cependant, malgré ces avancées, la région continue de faire face à des défis persistants en matière de sécurité et de justice. Les conflits armés se alimentés par des tensions ethniques, des rivalités politiques et la compétition pour les ressources naturelles se poursuivent. La CPI, en raison de ses ressources limitées, va poursuivre les individus ayant la plus grande responsabilité dans les crimes commis, laissant aux juridictions nationales le soin de traiter les autres auteurs (Justice & Paix).
Cette approche a mis en évidence les faiblesses des systèmes judiciaires nationaux, souvent dépourvus des moyens nécessaires pour mener des enquêtes et des poursuites efficaces. De plus, la coopération entre la CPI et les autorités locales n’a pas toujours été optimale, entravant la mise en œuvre de la justice et la réconciliation dans la région.
Enjeux et perspectives
Si les enquêtes de la CPI ont permis des avancées importantes, elles restent insuffisantes pour mettre fin aux cycles de violences en RDC. La lutte contre l’impunité doit être accompagnée d’efforts visant à renforcer les institutions judiciaires nationales, à améliorer la protection des victimes et des témoins, et à encourager une coopération plus étroite entre la CPI et les juridictions congolaises selon plusieurs observateurs.
L’implication de la communauté internationale reste essentielle pour soutenir la justice transitionnelle en RDC et assurer une paix durable dans la région des Grands Lacs. Seule une approche combinant justice internationale et renforcement des institutions locales permettra d’endiguer l’impunité et de garantir aux victimes une reconnaissance effective de leurs droits.