
Bujumbura: Les quartiers Kibenga et Kajaga menacés par la montée des eaux du lac Tanganyika
Par Jean Claude Kantore
La crue du lac Tanganyika reprend de plus belle à Bujumbura, plongeant les habitants des quartiers riverains dans une inquiétude grandissante. Les zones de Kibenga et Kajaga, situées au sud-ouest de la capitale économique du Burundi, sont particulièrement touchées par cette montée progressive mais tenace des eaux.
Depuis quelques semaines, les habitants observent avec désarroi l’avancée du lac vers leurs habitations. Dans le quartier de Kibenga, certains témoignent d’une perte de terrain de plus de 20 mètres de longueur au profit des eaux. Les conséquences se font sentir rapidement : certaines familles ont commencé à ériger des barrières de fortune avec des sacs de sable, espérant ainsi repousser temporairement la menace, tandis que d’autres n’ont eu le choix que de fuir leur domicile.
« Chaque matin, l’eau est plus proche. Mon jardin est déjà sous l’eau et la porte de ma maison commence à prendre l’humidité. Nous avons mis des sacs de sable, mais je sais que ça ne suffira pas », confie une mère de quatre enfants vivant à Kibenga.
À Kajaga, la situation n’est aussi guère meilleure. Ce quartier connu pour ses plages prisées le week-end est désormais déserté en semaine par ses habitants, qui passent leur temps à surveiller la progression du lac et à protéger ce qu’ils peuvent encore sauver.
Nduwimana, un habitant du secteur, témoigne : « Je vis ici depuis plus de 20 ans, je n’ai jamais vu le lac aussi agressif. Il ronge tout sur son passage. L’année dernière, on pensait que le pire était passé, mais cette année c’est encore plus rapide. »
Les infrastructures commencent également à être impactées. La route passant près du port de Bujumbura, une voie stratégique pour le transport des marchandises, est désormais impraticable pour les véhicules classiques. Seuls les pickups et véhicules tout-terrain peuvent encore y circuler, ce qui ralentit considérablement les activités économiques de la région.
Les autorités locales se montrent préoccupées, mais peinent à trouver des solutions durables face à cette catastrophe naturelle récurrente. Il y a tout juste un an, des milliers d’habitants de Gatumba avaient été contraints de quitter leurs foyers, déplacés vers d’autres provinces en raison des inondations massives causées par le lac.
Pour beaucoup d’habitants, la peur d’un nouveau déplacement est bien réelle. « Je ne veux pas vivre ce que les gens de Gatumba ont vécu, mais si l’eau continue, je n’aurai pas le choix. Nous avons des enfants, il faut les protéger », explique M. Ndikumana, père de famille à Kajaga.
Face à cette situation alarmante, les habitants appellent le gouvernement et les organisations humanitaires à intervenir rapidement.
Des solutions structurelles, telles que la construction de digues durables et la mise en place de systèmes de drainage efficaces, sont attendues pour éviter que la population ne revive les drames des années précédentes.
Le lac Tanganyika, véritable poumon économique et source de vie pour des milliers de Burundais, devient aujourd’hui une menace silencieuse, avançant lentement mais sûrement sur des terres habitées, sans distinction ni pitié.